"Dans les marges", exposition à la bibliothèque de Lyon, 15 septembre 2022 au 28 janvier 2023

« Dans les marges. Trente ans du fonds Michel Chomarat à la Bibliothèque municipale de Lyon » : une exposition dont je suis le commissaire, montrée du 15 septembre 2022 au 28 janvier 2023 à la Bibliothèque de la Part-Dieu, à partir d’un fonds d’archives exceptionnel, un des premiers fonds LGBTQI+ en France, le seul dans une institution publique, un fonds portant plus généralement sur l’illégitimité sociale, la marginalité, les minorités.

Affiche de l'exposition "Dans les marges", sept. 2022

L’universalité prêtée au patrimoine est souvent interrogée par celles et ceux qui, dominés et minoritaires dans la société, se découvrent exclus, relégués hors du patrimoine. Annie Ernaux, faisant le récit de son avortement illégal dans les années 1960, remarque ainsi : « Je ne crois pas qu’il existe un Atelier de la faiseuse d’anges dans aucun musée du monde. » Cette conscience que le patrimoine n’est pas neutre, à l’écart des rapports sociaux, Michel Chomarat a choisi de l’affronter en constituant un fonds de livres et d’archives unique en France.

Né en 1948 à Lyon, éditeur, activiste aux multiples personnalités et ancien chargé de mission « Mémoire » au cabinet du maire Gérard Collomb (2001-2013), il a déposé ce fonds à la bibliothèque municipale de Lyon en 1992. En accroissement constant, à l’écart des processus habituels d’acquisition, au fil des intérêts renouvelés, des passions et des amitiés de son fondateur, le fonds comprend aujourd’hui des dizaines de milliers de documents et objets qui occupent près d’un tiers du 11e étage du silo de la Part-Dieu.

Mû par la volonté tenace de garder ce dont les autres n’ont pas voulu, Michel Chomarat est, à l’image du chiffonnier décrit par Walter Benjamin, hanté par les « rebuts de l’histoire », les « haillons » et les « guenilles », par lesquels il est possible de « créer de l’histoire avec les détritus mêmes de l’histoire ».

La collection qu’il a réunie forme un des premiers fonds d’archives LGBTQI+ en France, portant sur l’histoire et les cultures des minorités sexuelles, et le seul dans une institution publique. Plus généralement, le fonds est traversé par les questions de l’illégitimité et de la marginalité, principalement depuis le XIXe siècle. Illégitimité et marginalité par rapport aux rayonnages habituels des bibliothèques : s’y trouve ce qui ne se trouve par ailleurs, ce que des institutions patrimoniales n’ont pas jugé digne ou intéressant de préserver.

Illégitimité et marginalité par rapport à la culture légitime : le fonds abrite de nombreuses traces des cultures populaires, des objets banals qui témoignent des vies ordinaires des hommes et des femmes ordinaires, anonymes et oubliés. Les groupes minoritaires, rejetés et persécutés par les groupes dominants, sont omniprésents : LGBTI+ mais aussi les fous, les étrangers, les prostituées, les franc-maçons, etc. Selon l’expression de Michel Foucault, le fonds dessine une cartographie de « vies des hommes infâmes »

Par sa collection d’affiches, de tracts et de journaux, le fonds Chomarat donne aussi à voir la manière dont des voix minoritaires ont trouvé à se regrouper et à s’exprimer, à forger des discours et des cultures contestataires. Le fonds livre ainsi une histoire de l’imprimé populaire et marginal, séditieux, contestataire et dissident.

Un dossier de présentation de l'exposition et des événements associés (visites, rencontres, projections, etc.) est disponible.

Un catalogue (Éditions Mémoire Active, ISBN 979-10-96156-09-8) est à paraître, avec des contributions de Jacqueline Allemand, Françoise Biver, Serge Boarini, Sylvain Bouchet, Antonin Crenn, Christian Delorme, Nicolas Galaud, Catherine Goffaux, Régis Le Mer, Siegfried Plümper-Hüttenbrink, ainsi que des photographies de Julien Adelaere.

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